Répondant à l’appel d’un restaurateur du Doubs lancé sur les réseaux sociaux, plusieurs professionnels affirment qu’ils ouvriront leurs restaurants le 1er février. Objectif : faire entendre au gouvernement leur ras-le-bol et militer pour la réouverture de leurs établissements. La réouverture tant espérée n’aura pas lieu le 20 janvier. Le Premier ministre Jean Castex a annoncé la reporter au minimum à mi-février. Pour certains restaurateurs, c’est la goutte de trop. “Je ne suis pas complotiste, je ne suis pas syndicaliste, je ne suis rien, je ne suis pas politique ! Je défends juste mon droit de liberté, donc laissez-nous travailler : sur une vidéo publiée sur son compte facebook début janvier, Stéphane Turillon, restaurateur dans le Doubs, appelle à ouvrir les restaurants le temps d’un service, le 1er février. Celle-ci comptabilise plus de 14 000 partages.
On veut savoir quand on rouvrira
“Si ça continue, pour un grand nombre d’entre nous, c’est le dépôt de bilan”, gronde Stéphane Turillon. C’est lui qui a lancé le premier l’appel à rester ouvert le 1er février, “en voyant tous mes potes restaurateurs en galère”, assure-t-il. Il est rapidement contacté par Julien Achard, lui-même gérant d’un établissement dans le Vaucluse. En décembre, celui-ci a créé une page facebook, “les ultra-essentiels”, pour prendre la parole avec les restaurateurs du département. Désireux de se faire entendre, les deux hommes se rallient autour d’une date : celle du 1er février. Dans sa ville de 20 000 habitants, Julien Achard confie qu’au moins dix restaurants ont affirmé vouloir les suivre dans leur démarche.
L’appel a été également entendu ailleurs en France. Depuis quelques semaines, Nathalie Wiart, dans le Var, tentait de freiner les envies celui qui gère avec elle sa crêperie. « Il voulait même une ouverture clandestine. C’était hors de question, raconte-t-elle. Mais là, pour le 1er février, c’est différent : on sera tous solidaires en même temps, et c’est plus un coup de gueule ». Même son de cloche pour Marie Minetto, dans sa pizzeria de Marignane, près de Marseille. « Pour une fois qu’un restaurateur se fait entendre », se réjouit-elle, alors que le principal intéressé considère avoir simplement « gueulé depuis son salon sur Facebook ». Elle suivra le mouvement en soutien aux autres commerçants. De son côté, elle reconnaît avoir encore les ressources financières pour garder la tête hors de l’eau.
C’est surtout le manque de visibilité qui énerve ou plutôt, d’après celui qui a lancé l’appel, le manque d’honnêteté. Pour lui, c’est évident : mieux vaut ne pas compter sur une réouverture avant le mois de juin. « Alors autant nous le dire clairement », assène-t-il. Tous réclament que soit clairement énoncée une date d’ouverture. De quoi avoir un peu de visibilité pour les mois qui viennent. « Doit-on embaucher pour la saison ? », s’interroge Marie Minetto, agacée de devoir « changer tout le temps de stratégie ». « Un chef d’entreprise a besoin d’anticiper ! » lance Julien Achard. L’homme ne demande sa liberté de travailler, « puisqu’aujourd’hui, on peut manger partout, à part dans les restaurants ! ».
On respecte le protocole sanitaire
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Parmi ceux que nous avons interrogés, les mêmes exemples sont exposés : ceux des grandes surfaces où « les caddies ne sont pas constamment désinfectés et où tout le monde touche à tout », « les cafétérias des entreprises où les gens mangent ensemble”, « les métros bondés », alors que dans les restaurants, les consignes sanitaires sont selon eux plus simples à mettre en place. « On a conscience que le covid est là, on a investi dans les plexiglas et tout le reste », assure la restauratrice du Var. Ils rappellent que dans leurs établissements, du gel est disposé à toutes les entrées, et le masque est obligatoire pour se déplacer. « Il y a un sens de circulation, un nombre limité de clients, un espacement des tables, un cahier de rappels – eh oui, il n’y a pas ça dans les supermarchés », gronde Julien Achard. « Même le 1er, on respectera le couvre-feu. On veut rester au maximum dans les clous », soutient la gérante de la crêperie du Var. Pas question de mettre en danger les clients qui répondent aussi à l’appel.
Une initiative accueillie fraîchement
Sur Facebook et Twitter, ceux-ci sont nombreux à affirmer vouloir être présents le 1er février. « Je voudrais savoir les noms des restaurants ouverts sur la région toulousaine ou en Ariège », demande l’un d’entre eux. « Pour une réservation de groupe et nous prendrons le menu le plus cher ! Pour vous soutenir et militer pour reprendre une vie normale ! », surenchérit un autre. Côté restaurateur, dans le Doubs, Stéphane Turillon assure avoir reçu plus de 5 000 demandes de réservations. Dans le Var, Nathalie Wiart compte sur la clientèle fidèle de la crêperie : l’ouverture du 1er février ferait consensus parmi les clients, qui l’attendent aussi fermement. « D’ailleurs les clients nous soutiennent déja : j’ai des mamies qui viennent m’acheter des petites choses à emporter juste par principe, et qui me répètent qu’elles sont avec nous », raconte la gérante de la pizzeria.
Les avis sur cette journée d’action sont pourtant loin d’être unanimes. L’initiative est ainsi accueillie fraîchement par l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie. Certains de ses membres s’y opposent même clairement : « Nos professions sont à bout de souffle aujourd’hui, confiait ce 14 janvier Roland Heguy, président confédéral de l’organisation patronale, au micro de France Info. À l’UMIH, nous sommes une organisation responsable. On ne va pas soutenir une opération de désobéissance civile qui les mettrait encore au plus mal. Notamment des fermetures administratives plus longues que ce que la crise du Covid-19 nous impose. »
Mais malgré ces réticences, les restaurateurs interrogés restent déterminés. Certains assurent avoir prévenu les maires de leurs communes. D’autres la police municipale. Ils assurent en tout cas ne craindre ni les fermetures administratives, ni les amendes. « De toute manière, 135€ d’amende ou une fermeture administrative alors que l’on est déjà fermé… », relativise Marie Minetto, à Marignane. Ces restaurateurs font un pari : ils estiment que l’Etat n’oserait pas condamner des restaurateurs pour cette réouverture ponctuelle. « Il y a eu les sans-culottes. Nous ne sommes n’est même pas révolutionnaires : on veut juste bosser. On est les sans tabliers… », conclut Stéphane Turillon.